Le manuel du Life Coach Analytique - Thème 7 : La dimension interpersonnelle - suite

Eric Berne est le père de l’Analyse Transactionnelle. Il a essayé en vain de devenir psychanalyste, comme s’il était prévu qu’il devienne à la place l’inventeur d’une nouvelle manière de considérer la psyché humaine.


Son point de départ, c’est de considérer intuitivement les jeux de rôles auxquels s’adonnent les gens – un peu comme Jacob Levy Moreno qui, à la même époque, enseigna le psychodrame aux Etats-Unis, à la différence près qu’Eric Berne veut connaître les structures qui sous-tendent ces processus apparemment spontanés.


Il nous dit que nous allons rassembler ce qui nous est arrivé dans un scénario, et que tout ce qui s’y trouve réuni peut être répété indéfiniment. Ensuite, Eric Berne se met à analyser de manière géniale les séquences des films dont nous sommes les héros.


Les trois rôles principaux que chacun développe sont celui de (1) « l’enfant » – ce qui comprend tous les agissements et pensées d’un enfant ainsi que ses états d’âme ; celui du (2) « parent » – une combinaison des figures parentales mère et père et leurs manières d’être et de faire ; finalement, celui de (3) « l’adulte » – qui réfléchit et peut, le cas échéant, modifier, dans une certaine mesure, le scénario de notre vie.


Et ces trois rôles sont normalement simultanément actifs en permanence, ce qui fait que deux personnes qui se rencontrent se retrouvent à six – ce qui augmente considérablement les possibilités de « jouer » toutes sortes de pièces. Eric Berne nous parle abondamment de ces « games people play », et nous montre comment ces jeux psychologiques vont nourrir nos scénarios de vie ; comment ils vont figer nos existences désagréablement.


C’est ainsi que nous sommes constamment occupés à nous persuader nous-mêmes que nous sommes qui nous craignons, espérons ou croyons être … ainsi que ceux que les autres nous disent que nous sommes, parce qu’il leur convient que nous soyons tels … leur scénario de vie a besoin qu’il en soit ainsi !


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Cela nous ramène à la question que j’ai posé au début de ce manuel : suis-je « moi-même » ou suis-je l’objet du verbe des autres qui m’entourent, et, parmi ces « autres », de ce « je » qui m’habite ?


C’est là un problème qui préoccupe constamment Eric Berne, et il est relativement pessimiste quant à son issue : l’on ne se débarrasse jamais totalement de son scénario … même si l’on peut attendre une aide précieuse de la part de la structure qu’il nomme « l’adulte » …


la possibilité existe en effet que « l’adulte » prenne ses « parent » et « enfant » internes en charge, et que leur dangereuse relation triangulaire puisse être apaisée dès lors qu’ils deviennent « un » – ce qui, à son tour, augmentera les chances que « je » rencontre « moi » et le devienne par la suite.


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Eric Berne, ses collaborateurs et élèves, vont élaborer une série de moyens pratiques afin de mieux nous faire comprendre et afin de nous permettre de résoudre une série de situations psychologiques complexes.


Ils analyseront la manière que nous aurons d’être OK ou non envers nous-mêmes et les autres ; ils nous parleront de « caresses » et de « méconnaissances » ; ils nous diront les manières que nous avons d’occuper notre temps ou de le gâcher ; ils développeront les concepts de triangle dramatique, d’élastiques et de rackets affectifs ; ils nous parleront des contrats que l’on fait avec son thérapeute afin de s’en sortir.


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Jacob Levy Moreno et Eric Berne attachent tous deux une très grande importance a la spontanéité et à l’authenticité. Ils indiquent par là l’état d’âme dans lequel on se trouve quand on est occupé à « devenir soi-même ».


Et, tout comme chez Ludwig Binswanger ou Alfred Adler, les domaines intrapsychiques et interpersonnels sont fort liés : c’est dans la relation aux autres que l’on devient quelqu’un, même si ce quelqu’un n’est pas forcément nous-même !


Et l’on peut dire à nouveau que nous sommes confrontés a un tas de mensonges (je m’ensonge, tu t’ensonges, etc.) quant à nous-mêmes et aux autres – des mensonges qui sont le plus souvent inconscients, mais qui n’en influenceront pas moins nos manières de penser et d’agir.


Ce qui nous fait comprendre que « la vérité » est une notion fort relative : la vérité est ce qui s’éprouve spontanément, intuitivement, authentiquement disent Moreno et Berne ; la vérité est ce qui me rapproche de moi-même dirai-je in petto, même si cela est difficile à mesurer.


C’est, dans le fond, une question d’intelligence émotionnelle, une forme de « ça voir » où nos réflexions ne se séparent pas du reste de nous-même.


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Le Life Coach veillera au développement de cette intelligence émotionnelle chez ceux qu’il accompagne. Il sera lui-même convaincu que ce que l’on sent et ce que l’on pense vont de pair. Et que l’on peut même agrémenter ces sensations, sentiments et pensées d’une bonne rasade de réflexion !